ENTRETIEN

« Les domaines sont surpris par ce que nous faisons en R&D&i »

Un entretien avec Raül Vigas et Raquel de Nadal, directrice du développement durable et de l’innovation, sur le présent et l’avenir de J·Vigas et du secteur liège

Janvier 2024

Pourriez-vous définir JV en cinq mots ?

RV : Connaissances, écologie, qualité, confiance, innovation.
RdN : J’ajouterais également la vision, le fait d’aller toujours plus loin.

Quelle est votre vision du futur ?

RV : L’entreprise se focalise exclusivement sur les vins de garde avec un produit en liège 100% naturel. Nous pensons que les alternatives ou les micro-granulés peuvent être utilisés pour des vins à rotation rapide mais concernant les vins de garde qui nécessitent une évolution, aucun bouchon n’offre les caractéristiques du liège naturel.

D’autre part, la notion d’écologie est de plus en plus importante dans les décisions d’achat de nos clients. Compter sur un bouchon en liège naturel va être un facteur déterminant pour les domaines à la recherche de la meilleure qualité ainsi que d’un produit local qui contribue à la préservation de la nature. Il s’agit de la fermeture la plus écologique et de celle qui offre également le plus d’avantages. 

RdN : Notre ambition, dans un futur proche, est que les secteurs viticole et vinicole nous voient comme un partenaire. Nos connaissances pourraient avoir plus d’incidence sur l’évolution du vin et il y aurait plus d’interaction entre les domaines et le secteur liège. En résumé, la recherche serait l’un des piliers du secteur : comme lors du projet Tractor del Vino pour lequel nous avons travaillé en collaboration directe avec les secteurs viticole et vinicole.

Au niveau du secteur liège, on peut constater que dernièrement, il reste de moins en moins d’entreprises indépendantes car beaucoup ont disparu ou ont été absorbées par de grands groupes. Comment J.Vigas fait-elle pour résister en tant qu’entreprise de taille moyenne ?

RV : D’un côté nous avons un produit qui est au plus haut niveau de développement technologique et d’un autre côté ce qui nous différencie des grands groupes est la confiance de nos clients. Prendre soin d’eux, les écouter, les conseiller, la transparence et l’honnêteté nous permettent de fidéliser nos clients.

C’est pour cela que nous nous focalisons principalement sur des marchés de proximité avec par exemple l’Espagne, la France, la Suisse et l’Italie.

De cette manière, nous pouvons entretenir ce rapport de confiance, répondre rapidement à leurs besoins et leurs rendre souvent visite.

Une relation d’amitié peut alors s’instaurer, un lien difficile à créer mais qui pourrait être facilement brisé si le produit ou le service n’étaient pas à la hauteur.

RdN : Lorsque nous expliquons ce que nous faisons en RDI, les domaines sont surpris car nous sommes réellement à la pointe du développement. Bien qu’étant une entreprise familiale, notre priorité est l’innovation et cela n’est pas courant pour une entreprise de notre taille. 

Je pense que cela nous a donné la capacité de rester compétitif envers les entreprises de plus grande taille. On peut ajouter à cela le fait que contrairement à eux nous pouvons offrir un service plus personnalisé.

Au moment de développer un nouveau projet, qu’est-ce qui vous inspire ?

RdN : Les relations que nous entretenons avec les vignerons nous permettent de connaitre leurs intérêts ainsi que leurs inquiétudes.

Ce qui arrive souvent est le fait qu’une nécessité d’approfondir une caractéristique du liège surgissent à l’usine. Nous demandons alors simplement à nos clients si cela est pertinent pour eux ou non. Si la réponse est oui, nous leurs proposons un projet de collaboration.

Parfois, une propriété à étudier peut générer un intérêt au-delà de notre secteur. C’est arrivé récemment avec le transfert d’oxygène. Il ne s’agissait pas seulement d’étudier une propriété mais d’acquérir des connaissances sur un ensemble de propriétés. Cela nous a amené au projet Cork2wine. Dans tous les cas, cela ne concerne pas seulement le secteur liège mais également les domaines.

Après Cork2wine et dans la même lignée, nous allons participer à un projet dirigé par l’industrie vinicole : le projet Tractor del Vino. Nous ferons partie d’un projet primaire pour continuer à acquérir des connaissances sur la matrice de liège.

Quel est le plus grand défi pour le bouchon en liège ?

RV : Notre chance, qui peut parfois se convertir en handicap, est de travailler avec un produit naturel. Ce n’est pas facile d’obtenir des valeurs standards ou de créer un processus plus industriel. En plus, le bouchon a une interaction avec un autre produit naturel : le vin.

Un bouchon peut-il sortir de l’usine sans défauts et poser problème par la suite ?

RV : Tout à fait. En ce qui nous concerne, nous réalisons des bouchons de haute qualité pour des vins de garde. Cela signifie que le vin sera ouvert des années après sa mise en bouteille et implique qu’il devra être conservé dans de bonnes conditions par tous les intervenants : le domaine, le transporteur, les restaurants …

Lorsqu’il y a une erreur, il est très difficile de savoir où se situe le problème car beaucoup d’acteurs différents sont impliqués.

Tous ces acteurs sont-ils conscients de leur responsabilité au moment de conserver le vin ?

RdN : Il y a un manque de pédagogie sur la conservation. Comme dans l’utilisation du liège, d’ailleurs. Il s’agit d’un produit naturel qui doit être utilisé de façon concrète afin d’offrir un résultat optimal. 

Faudrait-il être plus vigilant lors des mises en bouteille ?

RdN : La sensibilisation des domaines ces dernières années sur la manière de traiter un bouchon s’est, sans nul doute, améliorée. Cependant, il manque encore beaucoup de contrôles au moment de la mise en bouteille. C’est un moment critique pour le transfert d’oxygène. 

Si cela n’est pas correctement réalisé, il se peut que le vin n’évolue pas selon les attentes de l’oenologue.

Aucune fermeture ne peut apporter plus de bénéfices au vin qu’un bouchon en liège naturel.  Par exemple, la micro-oxygénation n’est possible qu’avec un bouchon de liège naturel. Mais les domaines doivent suivre les consignes de conservation et utiliser les bouchons de la bonne façon lors de la mise en bouteille.

RV : Nous nous devons de fabriquer un produit qui répond aux besoins de nos clients mais je pense que certains domaines n’ont pas toujours conscience de l’importance du processus de mise en bouteille.

Ce n’est pas le cas de tous les domaines, évidemment, mais je pense que nous devrions être proactifs et parler plus de ce processus afin de devenir le partenaire parfait pour les vignerons.